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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Droit, politique, médias... rythmes et règles diffèrent. L'affaire DSK le prouve. La chronique de Jacques Attali.


Agathe Poupeney
Agathe Poupeney
La terrible accusation qui pèse sur Dominique Strauss-Kahn est l'occasion de se souvenir que notre société, devenue sans frontières, vit désormais dans quatre échelles de temps simultanées. Il en découle des règles du jeu contradictoires, qui s'entrechoquent; des calendriers distincts, qui se chevauchent; des rythmes différents, qui s'interpénètrent.

La première échelle de temps est celle du droit, des investigations policières et de la procédure judiciaire; son rythme est à la discrétion des enquêteurs et des juges; elle s'impose a priori à toutes les autres. La deuxième échelle de temps est celle de la politique; elle obéit à un calendrier électoral précis, en général immuable. La troisième échelle de temps est celle des marchés et des médias; elle se règle sur l'exigence de la réponse immédiate, de la nouveauté permanente, de l'impatience et de la concurrence; plus encore depuis l'apparition d'Internet.

L'expérience démontre que l'échelle de temps la plus rapide impose sa loi aux autres. Ainsi les marchés et les médias imposent-ils leurs solutions aux autres espaces; ils peuvent mettre à mal en quelques instants une réputation économique, politique et éthique construite tout au long d'une vie et la réalité d'un passé ne vaut plus rien comparée à l'apparence d'un présent.

Le temps des médias conduit alors à considérer que tout travers des politiques, même non démontré, mérite d'être dénoncé et doit mener à l'exclusion desdits politiques de la vie publique; cela conduit à rechercher des hommes de plus en plus parfaits, pour exercer des fonctions de moins en moins importantes, dans lesquelles ils sont de plus en plus aisément remplaçables. Les marchés sont les ultimes bénéficiaires de cette faillite du politique. Dominique Strauss-Kahn est victime de ces contradictions: les médias veulent à son propos obtenir et donner des réponses immédiates à des questions que la justice mettra des mois à trancher, ce qui l'exclut des échéances politiques à venir.

Et même s'il est un jour disculpé, sur le terrain judiciaire, du terrible crime dont on l'accuse, il aura déjà été condamné irréversiblement sur le terrain politique. Au détriment de la cause pour laquelle Dominique Strauss-Kahn s'est toujours battu : un État de droit planétaire ; une gouvernance mondiale démocratique et juste, maîtrisant les marchés.

Cette tyrannie de l'immédiat se manifeste dans bien d'autres circonstances et explique très largement l'anarchie de la mondialisation. Ainsi, en matière financière, les exigences de réponses médiatiques sans cesse renouvelées conduisent les politiques à négliger les solutions de fond, à rejeter la mise en place du droit et des institutions judiciaires planétaires nécessaires, au profit des seules photos que permet le G20, pour le plus grand bénéfice, là encore, des marchés financiers.

Au-delà de ce chaos, une ultime échelle de temps vient toujours, à la fin, bousculer les trois autres et leur donner tout leur sens, dérisoire: celle de la maladie et de la mort. Le destin de l'homme, c'est de l'oublier, pour ne penser qu'à agir à l'intérieur des autres espaces, sous la tyrannie de l'urgence. A moins qu'il ait l'audace de se projeter hors des routines, de penser le monde hors de tout calendrier et de s'en tenir, avec entêtement, à ses rêves.


Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 24/05/2011 à 02:00
Tags : Attali DSK Notez Trackbacks (0)



C'est parti! Des centaines de jeunes campent depuis une semaine sur la place Puerta del Sol, en plein centre de Madrid. Si les revendications sont des plus diverses, le chômage, avec un taux record de 21,29% et près de la moitié des moins de 25 ans sans emploi, est au cœur de toutes les inquiétudes.


Les Indignés
"Ne nous trahis pas !", avait lancé à José Luis Rodriguez Zapatero, dans la nuit du 14 mars 2004, une foule de jeunes électeurs qui avaient voté socialiste. Sept ans plus tard, alors que le président du gouvernement espagnol a subi, le 22 mai, une déroute aux élections locales, le constat est amer. Ces jeunes Espagnols, dont le vote a été essentiel à sa victoire d'alors, sont les frères aînés de ceux qui campent aujourd'hui sur les places des villes espagnoles au cri - adressé à tous les politiques - de : "Vous ne nous représentez pas !"

Depuis une semaine, un mouvement de mobilisation né sur Internet, puis relayé par les médias traditionnels, a fait converger dans les rues d'Espagne des milliers de personnes aux conditions et aux motivations hétéroclites. De jeunes diplômés sans emploi y côtoient des salariés précaires ; des familles surendettées par leur emprunt immobilier croisent des fonctionnaires ; les quinquagénaires et les retraités ont rejoint leurs cadets.

La majorité a plutôt le coeur à gauche, sans être altermondialiste, mais on rencontre aussi des électeurs plus conservateurs. Un même sentiment les réunit : celui de ne pas être entendus par les responsables politiques, d'être tenus à l'écart d'un système devenu sourd et aveugle aux préoccupations des citoyens "de la rue".

Il n'est pas anodin que ce mouvement de révolte touche un pays où la crise a fait bondir le chômage de 8 % à plus de 20 % de la population active et privé les jeunes diplômés des petits boulots qui leur permettaient de tenir. Pourtant, il faut écouter les revendications des "indignados" - "les indignés", par référence au livre de Stéphane Hessel, publié en mars en Espagne et dont des centaines de milliers d'exemplaires ont été vendus. Elles sont avant tout politiques et, à ce titre, pourraient trouver un écho dans d'autres pays européens.

Elles mettent en accusation un système qui confie leur représentation à un duopole composé des socialistes du PSOE et des conservateurs du Parti populaire, agrémenté, localement, de partis nationalistes régionaux bien établis. Un système qui choisit arbitrairement les aspirations populaires qui lui agréent et celles qu'il passera sous silence. Un système qui permet aux cohortes d'élus mis en examen pour corruption dans des scandales immobiliers de se représenter aux élections.

Les critiques qui, ailleurs en Europe, trouvent un débouché politique dans des mouvements d'extrême droite populistes accouchent, à Madrid, Barcelone ou Séville, de propositions aux allures de mémoires d'étudiants en sciences politiques : réforme de la loi électorale, du Sénat, critique du bipartisme. Corriger, grâce à Internet, le système sans passer par les politiques et leurs organisations - fussent-ils anti-système et protestataires -, tel est le pari de ce mouvement dans un pays peu coutumier des mobilisations de rue. C'est, peut-être, la leçon du "printemps arabe" à l'Europe : si le peuple parvient à changer le cours des choses dans une dictature, il doit lui être possible de le faire dans une démocratie.

Mot à Maux


Rédigé par psa le 24/05/2011 à 01:01



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