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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Ce mercredi 4 février 2009, l’Université Saint paul rend hommage à notre défunt ami Aubin Deckeyser. C’est à 12 :00 à la chapelle de l’Université, à Ottawa, sur la rue Main. J’y serai, naturellement. C’est également cette semaine qu’un hommage sera rendu à Jean-Marc Éla à Ottawa, à l’église des Dominicains, sur la rue Empress. Ce sera ce samedi 7 février 2009. Pour ces deux majestueux penseurs, j’empreute les écrits de Célestin Monga. Ce sont des paroles que l’un ou l’autre, Aubin ou Jean-Marc, aurait pu écrire ou ne pas formuler de la même manière… Peu importe !. Seulement, c’est Célestin Monga qui les livre en hommage à Jean-Marc Éla et ces propos me paraissent bien agencés. Des propos qui méritent de résonner de nouveau, pour saluer ces deux personnages discrets et attachants que nous ne cesserons de pleurer, en ces moments où ils nous ont comme tourné le dos.


Aubin Deckeyser et Jean-Marc Éla : À prendre ou à laisser
La pensée sur l’Afrique est aujourd’hui coincée entre trois écueils philosophiques dont il n’est pas aisé de s’écarter. Il y a d’abord les pièges éthiques et conceptuels d’un nationalisme réductionniste et encombrant, qui postule la nature étanche de la culture et de l’Homme africains. Coagulée dans le temps et proclamant l’impérieuse nécessité de réhabiliter l’image d’un paradis perdu, cette vision exclusiviste du monde est prisonnière de ses propres mythes dont elle se nourrit. Il y a aussi les impasses de la thèse opposée, celle qui estime que l’Afrique n’existe pas, qu’elle n’est qu’un amalgame historique et politique ; un panachage artificiel hétéroclite dispersé dans le temps et l’espace ; bref, une simple construction mentale. Entre ces deux thèses erronées, qui valident l’idée d’une altérité incompréhensible des Africains ou l’exotisme intellectuel, il y a la maladroite tentative des démarches apologétiques à la Senghor, qui sont tellement obsédées par le caractère hybride des sociétés et des cultures qu’elles ne proposent que le mimétisme. Tu ne t’es jamais embourbé dans ces querelles pseudo métaphysiques sans importance. Tu as toujours été jaloux de ta foi d’Africain. “Je ne suis pas devenu un autre”, disait Césaire. Comme lui, tu croyais certes qu’il fallait “sortir de la victimisation” mais insistais sur la nécessité de reconnaître une “spécificité africaine” arbitrairement définie peut-être, mais aussi légitime que n’importe quelle autre construction sociale. (…) Ton œuvre permet donc de resituer l’Afrique dans son vrai champ d’étude, à équidistance des intégrismes de tous bords. Elle aide à démystifier les leurres d’un nationalisme essentialiste aveuglé par la nostalgie d’un monde et d’un temps ayant existé surtout dans l’imaginaire de la douleur. Elle permet également de réfuter les formes les plus extrêmes d’un “cosmopolitanisme” qui nie le droit à la subjectivité. Ta parole était le discours africain, sophistiqué mais clair, articulé et eurythmique, sévère mais généreux. Un discours issu de la noble école des savoirs, de la sagesse universelle, de l’exercice des franchises universitaires, de l’école certes, mais de la vie surtout. Un discours en forme de chant, de science verbale, et d’un certain type de foi. (…) Il existe une Afrique surpeuplée de doutes, confisquée par des “dictateurs stagiaires” (Mongo Beti), des “despotes obscurs” (Edem Kodjo), des leaders d’opposition aigris et agités, des diplômés illettrés et des “intellectuels tarés” (Nicephore Soglo), des Feymen dont la fortune appauvrit la société, des étudiants en colère devenus conservateurs, des fonctionnaires qui théorisent la paresse, des jeunes qui risquent leur vie dans les soutes d’avion pour aller chercher un eldorado improbable en Occident, et des femmes désabusées qui consacrent leurs économies dans les cybercafés à chercher des maris sauve-misère dans l’Internet. Mais tu as montré dans tes travaux que l’Afrique, qui compte désormais 1 bon milliard d’individus, est bien plus que cela : c’est aussi le continent des femmes-courage, des paysans-sans-peur, des enfants qui travaillent pour effacer les cicatrices de l’Histoire, bref, le lieu des grands rêves et de toutes les possibilités. Malheureusement, tous ces efforts et sacrifices sont souvent réduits à néant parce que des dirigeants et des élites perverties y ont institué le goût du crime, le désir collectif du suicide. (…) Tes livres ont identifié le problème principal dont souffre l’élite africaine aujourd’hui. Lequel ? Le déficit d’amour-propre et la haine de soi, sentiments déguisés en haine de l’autre. La haine du voisin donc, de celui qui ne parle pas la même langue ou qui ne pratique pas la même religion. L’agitation sadomasochiste autour des mythes de la différence. Dans ce Cameroun qui te préoccupait tant, on parle désigne cet autre (qui n’est donc que soi-même) sous les étiquettes les plus ostensiblement péjoratives. On parle ainsi du «Nordiste», du «Maguida», du «Sudiste», du «Beti», du «Bamiléké», de «l’Anglophone», du «Bassa», du «Douala» ou du «Bafia»… Comme si ces vignettes avaient une signification quelconque dans ce pays où les voyous qui «gouvernent» se recrutent dans toutes les ethnies et pratiquent toutes les religions. Comme si le fait d’insulter et d’humilier le voisin mettait du baume au cœur dans ce pays où les citoyens de toutes les ethnies et religions meurent de faim, ne peuvent pas se soigner ou envoyer leurs enfants à l’école. L’intensité de ton travail et l’élégance de ton mode frugal de vie m’ont permis de mieux comprendre le véritable statut de la pauvreté. Contrairement à ce que l’on a tendance à croire, elle n’est pas l’autre versant de la richesse. Elle est un lieu psychologique, un vécu, une approche de l’existence. Si on ne le comprend pas, on court le risque de tomber dans le piège d’une forme de “pauvreté enrichie”, bien pire que le dénuement matériel. Sony Labou Tansi avait probablement la même intuition quand il disait : “Je ne suis pas à développer, je suis à prendre ou à laisser”.

Horizon


Rédigé par psa le 02/02/2009 à 15:34
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Et voici Yao Paul Assogba, pour sa semence d'émotion à la simplicité de l'homme qu'il avait bien connu: Jean-Marc Éla, le philosophe, l'utopiste, le réaliste, l'orateur fécond devenu l'ami de la famille... avec des souvenirs poignants.


À mon cher grand'frère Jean-Marc Éla
Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Tu avais choisi de quitter Montréal au Québec dans l’Est canadien au bord de l’Océan Atlantique, pour continuer ton exil à Vancouver en Colombie-Britannique dans l’Ouest du Canada au bord de l’Océan Pacifique où, quelques temps après, tu avais été hospitalisé. Anne-Sidonie m’informait régulièrement de l’évolution de ton état de santé. Lorsque l’heure était devenue grave j’espérais avec toute ma foi en Dieu qu’un miracle se produirait et tu recouvrerais la santé. Et quand Anne Sidonie m’avait téléphoné pour me dire : « Le père est parti le 26 décembre 2008 au petit matin », j’ai été envahi par une profonde tristesse et un grand désarroi. Mon réflexe a été d’aller me recueillir sur la tombe de ton cher ami Lani au cimetière Saint-Rédempteur non loin de mon domicile. ////Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Notre première rencontre a eu lieu en janvier 1995 à Cotonou au Bénin lord du 1er Colloque de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF) en Afrique noire. Ce premier contact a été très fraternel à tel point que spontanément je t’avais appelé grand’ frère Jean-Marc, appellation que je garderai durant tes treize années d’exil au Canada, et de ton côté dès lors que je t’avais appris que mon nom chrétien a été mis entre parenthèses par la politique d’authenticité du gouvernement togolais dans les années 1970, tu m’avais désormais appelé Paul. Saint-Paul, m’avais-tu signifié, était un grand théologien. En janvier 1995, j’ignorais que je te reverrais à titre de principal conférencier à l’Université du Québec à Hull (aujourd’hui Université du Québec en Outaouais), à l’occasion d’un autre colloque organisé cette fois par l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU) au mois d’août de la même année. Au terme de ce colloque, tu avais demandé l’asile politique au Canada, ta vie étant menacée au Cameroun. Spontanément et avec un réel plaisir, je t’avais offert de venir demeurer chez moi, le temps que les formalités administratives de demande d’asile soient complétées. C’était un événement grave et tu m’avais demandé expressément d’en informer Célestin Monga et Achille Mbembe qui résidaient, à l’époque, respectivement à Boston et à Philadelphie où ils enseignaient au MIT Sloan School of Management et au Departement of History, Univesrsity of Pennnsylvania. Ils nous rejoignirent chez moi à Hull, près d’Ottawa, le 22 août 1995. Nous avions consacré la nuit pour écrire le Mémorandum au sujet des menaces de mort dont tu étais l’objet et qui avaient occasionné ton départ forcé du Cameroun. C’était ainsi que nous avions lancé un appel urgent à toutes les personnes, aux chercheurs et universitaires de bonne volonté, aux pays amis de l’Afrique et aux organisations internationales pour qu’ils se mobilisent afin de te protéger car ta vie était menacée par le régime camerounais. /////Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Durant tes treize d’exil, ma famille et moi-même avions eu l’immense privilège d’avoir été proches de toi au point d’être devenu pour nous un oncle, un grand’ frère, un ami, un guide spirituel, un maître à penser. J’ai été personnellement privilégié d’avoir partagé avec toi la vie quotidienne parsemée de joie et de peine, de moments de bonheur et de tristesse, de méditation, de stimulation intellectuelle dans nos conversations sur l’Afrique, le monde et sur la condition humaine, etc. Tu m’as fait cheminer dans la bonne direction de la vie ici-bas. C’est le plus précieux des héritages que tu m’aurais laissé, cher grand’frère Jean-Marc. /////Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Tu m’as positivement et profondément marqué par ta grandeur dans la simplicité, ta grande capacité d’adaptation aux différentes circonstances, ton sens aigu d’observation, ta grande qualité d’écoute, l’aptitude que tu avais de traduire une idée ordinaire en une pensée extraordinaire. À ton arrivée au Canada, tu avais pour bagages une très petite valise contenant tes effets personnels et trois grandes valises remplies de livres dont le poids de chacune avait nécessité l’union des forces de deux personnes pour les placer dans la voiture. Peu importait la saison et la température, dans un pays comme le Canada reconnu pour ses étés chauds et courts, et ses hivers extrêmement froids, rigoureux et long, tu étais toujours vêtu de boubou, ce qui m’inspira d’ailleurs le titre de mon livre : Jean-Marc Éla. Le sociologue et théologien Africain en boubou, Paris, L’Harmattan, 1999, dont la relecture récente a fait dire à Célestin Monga qu’il s’agissait de ton testament. Le matin, en guise de petit déjeuner, tu buvais un verre de lait et mangeais des fruits. Tu appréciais les mets togolais et les mets typiquement québécois, notamment la tourtière et la tarte aux bleuets de la région du Saguenay-Lac Saint Jean. Tu savais aussi apprécie la beauté de la nature du printemps, de l’été, de l’automne et de l’hiver canadiens. Tu aimais marcher en raquettes, un sport d’hiver typiquement canadien. La première fois tu avais souligné le génie créateur et pratique des Amérindiens de se déplacer sur la neige. Tu soulignais la beauté des bouquets de neige sur les branches des arbres et la merveille des feuilles multicolores de l’automne canadien. De retour à la maison, tu me dictais parfois les idées que nos marches dans les bois t’avaient inspirées. Mon cher grand’ frère Jean-Marc, La grandeur de ta simplicité et ton amour, ton écoute attentive et tes paroles porteuses d’espoir avaient fait de toi une personne très significative pour les jeunes, qui d’ailleurs, te considéraient comme leur ami. Quand j’ai appris ton décès une jeune Québécoise, parmi tant d’autres jeunes, qui avait bénéficié de ta qualité d’ écoute dans sa quête de sens, elle m’a fait parvenir le témoignage suivant. Jean-Marc Éla, Philosophe, penseur, utopiste, réaliste, conscient, consciencieux, pacifique, accueillant, aidant, bienfaisant, intègre, dévoué, amoureux de la vie, chaleureux, grand travailleur, motivé, motivant, persévérant, déterminé, courageux. Cet homme fit et fait encore briller l’Afrique, l’Amour, et la Vie dans l’âme de tous ceux qui l’ont un jour rencontré. Excellent orateur rempli de sagesse et d’écoute, il apporte foi à l’humanité. Cet homme, si simple qui figure parmi les bienfaiteurs de ce monde mérite grandement notre reconnaissance et notre gratitude pour ses efforts quotidiens à rendre notre quotidien collectif meilleur. Merci Jean-Marc Éla pour tout ce que tu as fait pour nous dans ta vie. C’est grâce à des gens comme toi que plusieurs d’entre nous marchent encore debout. Nous tous qui avons eut la chance de te connaître continuerons notre marche à tes côtés en écoutant ton cœur nous parler, en ressentant la paix que tu prônais et en cultivant le jardin que tu as créé. avec autant d’ardeur et d’espoir que nous en sommes capables. Paix à Jean-Marc Éla qui le mérite amplement. Merci pour la Vie. Katy Pilon, Gatineau, Québec, Canada, 12 janvier 2009. Très tôt, mon fils Lani, alors âgé de 13 ans, s’était lié d’une grande amitié avec toi. Au moment de son décès en novembre 2000, tu étais en mission d’enseignement à l’Université Louvain-La-Neuve (Belgique). Tu nous avais envoyé par courriel ton texte d’hommage dont je reproduis ici quelques extraits. Mon cher Lani, Je t’écris dans les larmes et la révolte. Toute la nuit je n’ai pas fermé l’œil. Cette nuit, je me suis rappelé que je te répétais souvent : Lani tu as l’avenir devant toi. J’avais décidé de faire route avec toi pour t’accompagner sur ton long chemin. Je rêvais que tu mettes au monde le meilleur de toi-même. Ce que tu portais dans cette quête absolue qui t’habitait au plus intime de toi-même à travers ton expérience mystique dans le silence du désert au cours de ton voyage en Tunisie. Car, au fond, Lani c’est cela qui t’identifiait parmi les jeunes de ton âge et de ton école. Tu me disais : «moi je suis un humaniste», et c’est vrai. Cette nuit, en relisant l’Évangile de Celui qui a vaincu la mort, comment oublier ton texte qui pour moi est le testament que tu nous laisses? Vraiment, tu es passé trop vite. Mais, pour toi Lani, le jour se lève pour les matins neufs d’une terre nouvelle. Tu as pris le chemin d’éternité. Cours vite Lani. Va à la rencontre du Seigneur. Le vieux monde est derrière toi. Je t’aime. Jean-Marc Éla, Louvain-La-Neuve, 15 novembre 2000 À ton retour de la Belgique, tu étais allé te recueillir sur la tombe de Lani. Ce recueillement t’avait inspiré l’épitaphe gravée sur sa pierre tombale : Lani Assogba (1982-2000) UNE SEMENCE POUR LA VIE

Engelbert Mveng
Engelbert Mveng
Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Durant tes treize années d’exil au Canada tu n’avais jamais tourné la page sur l’Afrique. Bien au contraire, tu portais l’Afrique avec toi. Quand tu célébrais la messe chez moi, tu faisais les rites avec les « moyens du bord » : la calebasse pouvait servir de calice et le pain de maïs pouvait servir d’hostie. Une fois, tu m’avais dit que tu portais la soutane de ton Ordination en 1964. Des journées entières, nous échangions sur divers sujets : les conditions de vie misérables dans lesquelles se trouvaient toujours les populations africaines, les régimes de dictature, l’Autre développement de l’Afrique à partir des innovations sociales des « gens d’en bas », des savoirs populaires et scientifiques, des jeunes, de la théologie « sous l’arbre », de la condition humaine et de l’humaine condition, etc. Durant ces moments privilégiés, je me retrouvais dans une microsociété sans école dont d’Ivan Illich parlait déjà dans les années 1970. Il nous arrivait de prendre part aux débats concernant l’Afrique, en publiant des textes dans le journal Le Devoir comme en témoignent les deux articles très significatifs suivants : Jean-Marc ÉLa et Yao Assogba et « La politique africaine de la France sous Mitterrand. Précarité des rupture et continuité du néocolonialisme français en Afrique noire », 1) Le Devoir, Montréal 28 janvier 1996; 2) « Désenchantement démocratique en Afrique. La Francophonie à l’épreuve », Le Devoir, Montréal, 1er avril 1996 Tu estimais que les problèmes de l’Afrique représentaient un défi pour la pensée et l’action, qu’un tel défi interpellait les intellectuels Africains de la diaspora. C’était dans cette perspective qu’en novembre 1995, tu avais pris l’initiative de réunir un groupe d’universitaires et de chercheurs africains d’Amérique du Nord et d’Europe à l’Université du Québec à Hull (Québec) pour créer le Forum des intellectuels africains de la diaspora (FIAD). Les principaux objectifs de ce Forum définis dans la Déclaration de Hull stipulait que le FIAD se voulait un rassemblement des intellectuels africains dispersés dans cette partie du monde et se fixait entre autres, les objectifs suivants : Redéfinir le rôle des intellectuels africains de la diaspora en assumant l’héritage des générations qui au cours de l’histoire moderne et contemporaine n’ont cessé de réfléchir collectivement et de manière critique sur le destin de l’Afrique dans le monde; Promouvoir la production d’un savoir autrement sur l’Afrique en tenant compte des enjeux théoriques et scientifiques qui résultent de l’éruption du monde africain dans le système des connaissances; Participer au renouvellement des pratiques politiques en Afrique par la reformulation des questions majeures et l’élaboration des projets de société devant assumer une présence significative de l’Afrique dans l’Espace-Monde de notre temps. Défendre la dignité de l’intelligence africaine dans les pays du continent où les systèmes politiques utilisent la violence pour réprimer les penseurs, les écrivains, artistes et autres créateurs critiques et engagés. Il était prévu de mettre en place des réseaux du FIAD en Europe et en Amérique du Nord. Tu étais Président du comité de coordination du FIAD alors que tu avais le statut de Professeur invité à l’Université Laval. Les autres membres étaient : Coordonnateur : Professeur Yao Assogba (Université du Québec à Hull) Relations publiques : Professeur Achille Mbembe (CODESRIA, Dakar) Relations publiques : Professeur Célestin Monga (MIT Sloan School of Management) Secrétariat : Suzanne Champagne, Professionnelle de recherche au Centre Sahel (Université Laval) et Anne-Sidonie Zoa (Doctorante, Université Laval) Parrainages : Professeur Bonnie Campbell (Université du Québec à Montréal) et père Lucien Laverdière. Mais le FIAD n’avait organisé qu’un seul atelier international dans le cadre du Congrès de l’Association canadienne des études africaines ( ACEA), au mois de mai 1996 à l’Université McGill à Montréal. Le thème de cet atelier de réflexion était Pour une économie politique de la connaissance en Afrique. Tu avais été déçu de l’inactivité du FIAD. Cependant, tu avais poursuivi seul la réflexion sur le premier objectif du FIAD qui était de « Promouvoir la production d’un savoir autrement sur l’Afrique en tenant compte des enjeux théoriques et scientifiques qui résultent de l’éruption du monde africain dans le système des connaissances ». Et tu nous a légué les fruits de tes recherches dans le colossal livre, digne du travail d’un véritable Baobab: Jean-Marc Éla, L’Afrique à l’ère du savoir. Sciences, société et pouvoir, Paris, L’Harmattan, 2006, 407 pages. Je crois que ce passage de la conclusion constitue ton testament dans ce grand livre qui est déjà un classique de la sociologie des sciences en Afrique. « Les Africains ont le devoir de contribuer aujourd’hui à faire de leur continent un centre de référence et un pôle d’excellence en matière de savoir scientifique. C’est une question de vie ou de mort pour des millions d’hommes et de femmes d’Afrique. Ici, comme ailleurs, la science doit se définir en assumant le souci d’autrui. Ce défi s’impose plus que jamais dans un système mondial qui repose sur une rationalité trompeuse et mutilée qui débouche sur une jungle de globalisation où les plus forts détruisent les plus faibles. Dès lors, face à la barbarie rampante, il importe d’assumer les tâches critiques qui s’imposent à l’intelligence pour inventer la science au service de la vie et de la dignité de l’être humain. Au moment où de nombreux acteurs prennent conscience qu’il n’existe pas qu’une seule recette de la réussite, les chercheurs africains doivent méditer plus que jamais le testament de Franz Fanon ». «Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir» (F. Fanon, Les damnés de la terre, Paris, Gallimard, 1961, p. 251, cité par Jean-Marc Éla, L’Afrique à l’ère du savoir. Sciences, société et pouvoir, Paris, L’Harmattan, 2006, pp.406-467). Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Merci pour ton sens de la fraternité et de l’amitié, ta grande générosité, ta grandeur dans l’humilité, ton sourire, ton amour de la liberté. Merci d’avoir été ce chercheur de la vérité Merci pour ton engagement pour les « gens d’en bas » Merci pour ton aptitude à faire de l’ordinaire quelque chose d’extraordinaire Je souhaite que ces valeurs que tu chérissais, et qui ont grandi en moi grâce aux relations privilégiées que j’ai eues avec toi, continuent d’inspirer ma vie. Mon cher grand’ frère Jean-Marc, Désormais, tu ne nous quitteras plus. Veilles sur nous, tes héritiers, et fais nous vivre du meilleur de toi. ////// Yao PAUL Assogba, Gatineau (Québec, Canada)

Silence


Rédigé par psa le 27/01/2009 à 18:36
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