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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Il nous faut prendre le temps de bien analyser le discours de Barack Obama prononcé il y a huit jours à Accra. Mais la comparaison que l’éditorialiste Denis Sieffert en a faite avec le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy est édifiant. Je l’avais lu. Mais pour l’avoir reçu de nouveau de notre ami Benoît A., j’ai jugé utile de donner échos au texte qui relève aussi l’imprécision de Barack Obama sur certaines réalités africaines comme les effets continus du colonialisme, le neo-colonialisme. Et j’ajouterai moi que les pays africains ont autant besoin de leaders dignes que d’institutions fortes et respectables ; d’ailleurs, mon penchant pour la prépondérance de l’acteur me fait penser que ce sont ces leaders respectables qui feront des institutions de même nature.


Obama, Sarkozy et l’Afrique : Cherchez l’erreur…
C’est sans doute ce qu’on appelle l’état de grâce, et un état de grâce planétaire ! Barack Obama n’a guère recueilli que des louanges au lendemain de son discours aux Africains prononcé devant le Parlement ghanéen. Deux ans plus tôt, « notre » Nicolas Sarkozy, s’essayant au même exercice de morale dans un amphithéâtre d’une université de Dakar, avait surtout suscité l’indignation. Et un collectif d’intellectuels africains n’avait pas tardé à répliquer à son « néocolonialisme » décomplexé. Injustice ? Préjugé contre l’homme blanc qui a ravalé son dernier sanglot ? On ne peut pas écarter l’hypothèse que le président aux origines kenyanes soit en effet mieux placé en terre d’Afrique pour dire des « vérités » qui passent mal quand elles viennent d’un chef d’État français. Mais à comparer les textes, on est bien obligé de reconnaître que, si les deux discours ont quelques traits communs, les mots ne sont jamais les mêmes. La rhétorique répétitive du « je » n’a pas cours dans le propos de Barack Obama alors qu’elle est envahissante dans l’allocution de Sarkozy. L’un parle de l’Afrique ; l’autre parle surtout de lui-même. Mais il y a pire. Le président français est souvent inutilement blessant : « Je ne suis pas venu m’apitoyer… » Et puis, il y a cet « homme africain » « qui n’est pas entré dans l’histoire », et à qui « il ne vient jamais à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin ». On ne saurait faire plus méprisant. Ni plus ignorant.
Et lorsque Obama refuse aux Africains « l’excuse » du colonialisme, Sarkozy, lui, en fait l’éloge. Souvenez-vous : « Le colonisateur a construit des ponts, des routes, des hôpitaux… » Comme si le projet colonial ne se jugeait pas globalement dans son intention dominatrice. Mais laissons là les « stéréotypes entêtés » du président français. Et reprenons la réplique d’un intellectuel africain, l’économiste Demba Moussa Dembélé. Celui-ci lui rappelait que « l’esclavage transatlantique avait contribué à l’accumulation primitive du capital » et à une « division internationale du travail imposée à l’Afrique et qui a fait d’elle un continent fournisseur de matières premières » [1]. L’argument, cette fois, pourrait tout aussi bien s’adresser à Barack Obama. Affirmer, comme l’a fait le président américain, que le colonialisme n’est plus qu’un alibi, peut avoir éventuellement des vertus pédagogiques, qui s’apparenteraient un peu à la méthode Coué. Il n’en est pas moins évident que l’économie africaine porte encore en elle-même et dans sa relation à l’Occident la trace profonde et douloureuse de décennies de pillage colonial. Et il ne s’agit pas seulement de la trace d’un passé révolu. C’est une réalité d’aujourd’hui. Répondant à Sarkozy, Dembélé prenait l’exemple de « l’hypocrisie des subventions américaines qui fait chuter le prix du coton ». Et ces « pertes d’exportations [qui] contraignent les pays africains à s’adresser aux sources de financement extérieures », ces « prêteurs » qui imposent ensuite leurs conditions. S’il fallait convaincre Barack Obama que le colonialisme est un peu plus qu’un mauvais souvenir, il faudrait lui rappeler que, longtemps après les proclamations d’indépendance, les pays africains n’ont pas été autorisés à lever des fonds sur les marchés des capitaux internationaux. Et qu’ils ont ainsi été livrés pieds et poings liés aux institutions financières [2]. Celles-ci les ont contraints à ouvrir leurs marchés à une concurrence qu’ils ne pouvaient évidemment pas soutenir (voir l’exemple du coton) et à ne produire que des matières premières.
Encore une fois, on peut comprendre l’appel du président américain à rompre avec l’afro-pessimisme. Mais en évoquant la grande misère du continent noir comme s’il s’agissait d’une question morale, il occulte les responsabilités actuelles des Occidentaux, à commencer par celles des États-Unis. Encore laisse-t-on de côté ici le soutien que les grandes puissances apportent quasi systématiquement à des chefs d’État corrompus. L’affaire des « biens mal acquis » de la famille Bongo, du Camerounais Biya et du Congolais Sassou N’Guesso illustre à l’envi la propension post-coloniale à maintenir au pouvoir des « hommes de confiance » quoi qu’il en coûte à leurs peuples. Barack Obama n’a évidemment pas tort de « dénoncer [ces] dirigeants [qui] exploitent l’économie pour s’enrichir personnellement ». Mais qui les maintient au pouvoir ? Et combien de dirigeants occidentaux pourraient à propos de chefs d’État africains reprendre à leur compte la phrase de Richard Nixon évoquant un aimable dictateur panaméen : « C’est un fils de pute, mais c’est le nôtre ! »
Nous ne comptons pas cette fois parmi les laudateurs de M. Obama. Pour être plus habile et infiniment moins grossier que celui de Nicolas Sarkozy, son discours procède de la même logique. Il n’aurait de valeur (on n’ose pas ici employer le futur !) que si le président américain s’attaquait profondément aux causes du mal. Or, celles-ci renvoient à la globalité d’un système financier international qui marque toujours les rapports Nord-Sud. ///////Denis Sieffert

Notes
[1] L’Afrique répond à Sarkozy, ouvrage collectif, éditions Philippe Rey.
[2] Lire à ce sujet le livre de Sanou Mbaye, l’Afrique au secours de l’Afrique, les Éditions de l’Atelier.



Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 18/07/2009 à 22:55
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Pensive
Pensive
De Libreville, les indiscrétions commencent à nous parvenir. Comme on s’y attendait, le jeu se joue entre les vrais ténors que sont le premier ministre Eyeghé Ndong, le ministre d’État et ancien PM Oyé M’Ba et naturellement le dauphin putatif mis en orbite depuis longtemps pour ce poste de président de la République gabonaise, Ali Ben Bongo Ondimba. Et ça joue durement, surtout avec des arguments solides. Un de ces arguments est celui qui tend à faire comprendre à Ali de Bongo Ondimba qu’il a pour lui la jeunesse et pourrait encore attendre afin de ne pas donner aux Gabonais l'impression que la succession de son propre père serait monarchique ; une saveur qui pourrait provoquer un ressac au détriment du Parti démocratique gabonais (PDG). Il se dit qu’Ali de Bongo Ondimba tient bon et bénéficierait du fléchissement du PM Eyeghé Ndong. Mais la force d’Ali de Bongo Ondimba est la solidarité dont il bénéficie de la part de sa famille et de ses amis qui lui sont restés tous fidèles. Comme l’aurait dit le défunt président lui-même en pareille circonstance, « Il ne faut pas avoir peur de négocier, ni négocier dans la peur ». C’est là un des grands éléments du testament politique d’Omar Bongo Ondimba. Alors, tout est négociable et tout se négocie à Libreville actuellement. Et sur ce terrain, la famille Bongo Ondimba possède les moyens de ses ambitions et serait même prête à des largesses pour conserver l’avantage du pouvoir. De l’autre côté, chez les opposants et challengers, toute leur stratégie sera affinée selon le candidat choisi par le PDG. Essentiellement, on attend de voir. Et la population dans tout ca? Il semble qu’elle aurait un penchant pour l’ancien banquier et ancien PM Casimir Oyé M’Ba qui domine largement d’ailleurs dans les avis donnés sur les sites Internet un peu neutres. Mais la question, la grande question et pourquoi pas les deux questions existentialistes sont : Comment le PDG arriverait à choisir autre personne qu’Ali de Bongo Ondimba ? Comment le PDG réussira à survivre à Bongo Ondimba ou sans un Bongo Ondimba ou uniquement avec un Bongo Ondimba ? Un autre testament politique qui révèle jusqu'à quel point l'orientation Famille au détriment de la neutre Compétence… Les Gnassingbé au Togo, les Soglo au Bénin, les Wade au Sénégal en sont aussi à des fortunes diverses qui menacent leur parti et leur image politiques.

Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 12/07/2009 à 00:41
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