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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




« Les démocrates togolais ne peuvent pas quitter une souffrance, celle de la désunion, sans l’avoir reconnue » disais-je dans ma dernière sortie « Fin du silence démocratique togolais » du 29 juillet 2015, ci-avant. Véritablement, c’est bien ce que je pense. Certaines discussions amicales ont néanmoins fait ressortir la nécessité d’éclaircir davantage ma pensée, et rapidement. Allons-y alors, comme j’ai eu à le faire déjà auprès de certaines personnes.


Dieudonné Amigoé
Dieudonné Amigoé


Il n’y a pas si longtemps, dans l’organisation même de l’opposition togolaise, de mémoire et avec des personnalités politiques aussi imminentes que Léopold Gnininvi, Édem Kodjo, Gilchrist Olympio, Apollinaire Agboyibo et autres, une présidence tournante fut instituée toutes les deux semaines. Une telle idée, à l’époque déjà, tout à fait incompréhensible, consacrait la division et le manque de confiance qui régnaient dans l’opposition togolaise. Naturellement, les partenaires occidentaux trouvaient ridicule de ne pouvoir disposer d’interlocuteurs aussi longtemps que 14 jours pour parler de l’avenir du Togo. Les citoyens togolais eux-mêmes étaient perplexes devant l’efficacité de cette présidence tournante à chaque quinzaine.

Depuis lors, les expériences diverses de regroupements des partis politiques au sein de grands ensembles n’ont pas réussi à régler ce manque de confiance entre les acteurs de l’Opposition démocratique togolaise. Les dernières expériences du CST, le Collectif Sauvons le Togo, et sa translation qu’est le CAP 2015 sont particulièrement édifiantes à cet effet. Malgré le travail remarquable effectué par le professeur Zeus Ajavon dans un contexte togolais très acrimonieux, des défections déraisonnables ont fini par incommoder tout le monde.

Pensons seulement à tous ces drames de retraits de certains partis politiques du CST ou du CAP 2015, que ces partis aient eu raison ou pas. Pensons donc à ces drames de déballages publics, à peine diplomatiques, issus de ces mécontentements des partis politiques comme OBUTS d’Agbéyomé Kodjo, ADDI d’Aimé Gogué, MRC d’Abass Kaboua, Santé du peuple de Dr Georges William Kouessan et autres, sans oublier les absences d’autres personnalités associées à la l’Opposition.

Défections justifiées ou calculs politiques légitimes, le devoir de regroupement des partis de l’opposition togolaise, face à un pouvoir récalcitrant à tout changement, reste toujours d’actualité. Il y a donc lieu de trouver l’antidote propre à une telle désunion chronique, avec l’idée réaliste que l’unité parfaite de l’opposition togolaise n’est pas réalisable de toutes les façons, et peut-être même pas souhaitable finalement.

Pour quitter la souffrance de la désunion, la voie qui me semble indiquée depuis bien longtemps est l’acceptation et la reconnaissance du leadership du parti le plus représenté et le plus distinctif de la volonté de changement inaliénable du peuple togolais. Et pour l’heure, ce désir est incarné dans l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC). Une opposition forte au Togo doit ainsi reconnaître la place et le rôle moteur de l’ANC.

Il est indéniable que la robustesse de l’ANC sur le terrain est ostentatoire et souvent stratégique pour la continuité et l’efficacité de l’action politique des forces du changement au Togo. Évidemment, il revient aux partenaires de l’ANC dans tous les regroupements possibles de bénéficier de la considération adéquate de ce parti meneur. Dans bien de cas, l’ANC est différente de l’UFC et en ce point, plus coopérative lorsque l’on a déjà connu ce que fut la domination de l’UFC d’une certaine époque, et surtout personnalité de son maréchal… Il n’avait même pas le temps de s’associer à quel que parti que ce soit, et c’est peu dire. L’ANC n’est pas l’UFC. Penser le contraire, c’est se tromper royalement en politique togolaise.

Il n’y a pas lieu de passer par quatre chemins : le combat pour l’alternance politique ainsi que l’éclosion d’un État de droit au Togo exigent un ralliement raisonnable et républicain sous un leadership reconnu. « Les démocrates togolais ne peuvent pas quitter une souffrance, celle de la désunion, sans l’avoir reconnue » et en empruntant la sortie de secours la plus réaliste, la plus proche, la plus démocratique, en somme la voie la moins démagogique. Eh oui, la démocratie au Togo, ça trompe parfois; mais ça presse surtout. J’ai redit!



Grecs et Européens ont poussé leur logique jusqu’à l’absurde. C’est un grand pas vers un démembrement de la zone euro qui a été franchi ces deux derniers jours seulement. Dans le dossier grec, «plus personne n’agit de façon rationnelle», expliquait au Monde une économiste française en début de semaine dernière. La suite des événements n’a rien fait pour lui donner tort. Pas plus que les éditorialistes et les spécialistes totalement divisés à travers le monde. `Dans tous les cas de scenario, un OUI ou un NON ne fera qu’alimenter le débat sur l’avenir même de l’Europe : solidaire ou suicidaire ?


Europe, la déchirure…
Europe, la déchirure…


Samedi, l’Europe a préféré rompre les négociations, risquant de voir quelques dizaines de milliards partir en fumée, plutôt que de céder aux gesticulations grecques. L’exaspération a pris le pas sur la logique économique, qui aurait voulu que la dette soit en partie effacée et que la zone euro reste intacte. Côté grec, le premier ministre, incapable d’imposer une vision totalement opposée à celle de ses créanciers, a choisi la provocation ultime: un référendum sur un accord inexistant et qui interviendra après la date fatidique du 30 juin, lorsque la Grèce devra rembourser le FMI.

Poussant chacun leur logique jusqu’à l’absurde, les deux camps ont atteint le bord du précipice. A très court terme, ce n’est pas une catastrophe. On peut s’attendre ces prochains jours à des remous sur les marchés, tant ceux-ci avaient cru à une issue heureuse des négociations la semaine dernière. Aussi longtemps que la Banque centrale européenne continuera de maintenir les banques grecques sous perfusion, il n’y aura cependant pas de faillite, pas d’effondrement du système bancaire et pas de risque de contagion. Et c’est bien ce qu’elle a décidé dimanche.

Dans un rapport publié juste avant l’entrée de la Grèce dans la zone euro, des experts d’une grande institution internationale affirmaient: «i[L’adhésion [comporte des] risques économiques. Et ils sont plus importants pour la Grèce que pour les pays de la zone euro]i.» On risque de vérifier cette prophétie ces prochaines semaines.

Mais, à moyen terme, c’est un grand pas vers un démembrement de la zone euro qui a été franchi ces deux derniers jours. Plus que de violentes turbulences financières – les experts européens ont eu des semaines pour anticiper une telle issue –, ce serait un échec retentissant dans la construction européenne. Un aveu que le développement et la prospérité qu’amène l’Europe ont leurs limites.

La presse est partagée ce lundi matin après la rupture des négociations entre la zone euro et la Grèce, qui sont désormais suspendues au résultat du référendum décidé par Alexis Tsipras. De nombreux éditorialistes laissent percer leur inquiétude. D'autres se refusent à condamner les Grecs et pointent du doigt les responsabilités de l'Europe. Voici le portrait de la presse française :

Jacques Olivier Martin dans Le Figaro
"Cette tragédie qui tire en longueur tient au fait que la Grèce n'a jamais eu sa place dans la zone euro. Qu'elle y est entrée par erreur, par manque de discernement des institutions européennes et des grands pays, la France et l'Allemagne en tête. Une monnaie unique nécessite, à tout le moins, une convergence de compétitivité des économies des pays qui la partagent, une acceptation du paiement de l'impôt, la volonté et la capacité d'équilibrer ses comptes publics. Des règles comprises et acceptées à Berlin, pas dans la patrie de Platon. Pour l'Europe qui ne veut pas se résigner à l'échec, il n'y a pas d'autre voie que de poursuivre les réformes urgentes et douloureuses pour espérer équilibrer le budget, réduire les dépenses publiques et créer la compétitivité, synonyme de richesse. Tsipras n'y croit pas et propose à son peuple le grand saut dans l'inconnu. Aux Grecs de choisir."

Laurent Joffrin dans Libération
"La sortie de la zone euro aggraverait encore la situation, notamment pour les plus démunis. Les Grecs en sont conscients. Malgré la popularité toujours bien réelle de Syriza, ils restent massivement favorables à l'euro et, selon les premiers sondages, ils approuveraient le plan européen. Les règles de la zone euro que rappellent les 18 autres membres ont été et sont fixées par des gouvernements élus démocratiquement qui sont tout aussi légitimes que celui de la Grèce et ont le soutien de leurs opinions publiques. Ils espèrent encore éviter le pire - le Grexit - et l'encore pire, c'est-à-dire les risques d'une dérive hors de l'UE d'un pays dont la position géostratégique n'a jamais été aussi importante face à un Moyen-Orient en plein chaos, à une Turquie entrant dans une zone de turbulence et au cœur de Balkans où la paix reste fragile. C'est aussi pour cela qu'il faut à tout prix éviter de perdre la Grèce."

Maud Vergnol dans L'Humanité
"Mais dans le berceau de la démocratie, on ne demande pas l'autorisation aux bureaucrates de Bruxelles pour consulter le peuple qui vous a porté au pouvoir. Grâce à cette décision courageuse, ce qui se joue désormais n'est plus seulement la question du devenir économique de la Grèce, mais bien celle de l'Union européenne. À Bruxelles, le boudoir des tyrans de la finance doit redevenir la maison des peuples. (...) Oui, l'Union européenne est en train de trembler sur ses bases. Mais c'est dans les couloirs de Bruxelles que se joue la scène du crime. Car, comme l'a rappelé Alexis Tsipras, l'ultimatum des usuriers, qui préconise d'acculer toujours plus le peuple grec et de ménager les plus riches, contrevient aux principes et aux valeurs qui ont fondé l'Europe."

Jean-Marc Vittori dans Les Échos
"La Grèce est désormais sur la pente fatale. Car c'est bien le scénario du Grexit qui est enclenché. Ce lundi, en Grèce, les banques sont fermées pour éviter que les citoyens ne viennent retirer en masse des billets en euros. Mardi, le Trésor fera défaut sur la dette qu'il doit rembourser au Fonds monétaire international. Dans les jours qui suivent, la Banque centrale européenne ne pourra alors plus augmenter ses prêts aux banques du pays, qui seront donc privées d'argent. Dimanche, les électeurs voteront sans doute " non " au référendum sur les réformes demandées par la Commission européenne pour débloquer des fonds. Le gouvernement devra alors émettre des assignats pour payer ses fonctionnaires, ses retraités et ses fournisseurs. Cette mauvaise monnaie chassera la bonne."

Pascal Coquis dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace
"Tsipras l'a toujours dit, il veut en finir avec ce rapport de domination humiliant pour son peuple. Alors, un pied dans le vide, l'autre au bord du précipice avec le vent dans le dos, oui. Le schéma était annoncé. Alexis Tsipras et ses alliés au pouvoir à Athènes n'avaient d'autre choix politique que d'aller au bout de leur logique, de bousculer les créanciers sans se soucier des bonnes manières en opposant l'humain à la finance. Sauf à renier leurs engagements de campagne et trahir leurs électeurs. D'où cette ultime provocation d'un référendum un peu surréaliste qui ressemble tout autant à une menace qu'à une partie de roulette russe. Dans les deux cas, on sait que ça peut mal tourner."

Jean Levallois dans La Presse de la Manche
"Ce référendum est ambigu, une majorité de Grecs sont pour le maintien de la Grèce dans l'euro. Mais la question porte sur l'acceptation ou non des mesures demandées par les créanciers. Et le gouvernement grec fera campagne pour le non. Ce qui devrait entraîner, ipso facto,la sortie de l'euro. En outre, le référendum sur le projet d'accord est une illusion. L'Eurogroupe a fait savoir que la rupture unilatérale des négociations entraînait la disparition de tout projet d'accord. Difficile dans ces conditions d'approuver ou de refuser un accord qui n'existe pas. Les dirigeants grecs ont cru, après leur victoire, qu'il suffirait d'y aller au culot pour réussir un passage en force. C'est une grave erreur. Les démocraties sont souvent prêtes à des concessions. Lorsqu'on les croit faibles, faciles à faire plier, elles font la démonstration que, dans bonne volonté, il y a aussi volonté, et que bonne ne veut pas dire bonasse."

Raymond Couraud dans L'Alsace
"En sortant de sa manche la carte du référendum qu'il avait jusqu'alors cachée, Tsipras poursuit dans le registre du jeu de poker menteur dont il est coutumier et que, visiblement, il affectionne. L'issue du référendum est plus que probable : le non à la proposition de renégociation de la dette devrait l'emporter, et Tsipras pourra parader ensuite en se posant comme un parangon de vertu. Triste fumisterie, en réalité, touchant à l'image d'un pays qui, par son histoire, sa culture et son attractivité touristique, faisait rêver bon nombre d'Européens. (...) C'est d'abord la Grèce qui pâtira d'une sortie de la zone euro puisqu'elle sera privée de tout moyen financier pour rebondir. La roulette grecque est décidément un jeu dangereux."

Laurent Marchand dans Ouest-France
"Sans rien ôter des responsabilités d'Athènes, il y a quelque chose de punitif, de malsain dans la façon dont l'Europe du Nord a voulu à tout prix mettre Tsipras dans une position humiliante. Comme pour le casser, relève l'économiste Paul Krugman. En oubliant qu'un examen critique des deux plans d'aide décidés depuis 2010 montre combien les erreurs ont été collectives. (...) Si leur sort n'est pas décidé d'ici là en catimini à Bruxelles ou à Berlin, il reviendra aux Grecs, dimanche, de donner leur avis par référendum. Un non sonnerait comme un baroud d'honneur. Un oui comme une leçon d'européisme. Malgré l'Europe."

Jean-Louis Hervois dans La Charente libre
"Alexis Tsipras a fait basculer la crise grecque dans la zone ultime, là où plus personne n'est capable d'écrire les scénarios des prochaines semaines. C'est un concours de pronostics qui s'ouvre désormais pour prédire ce que le défaut de paiement de la Grèce peut entraîner dès mardi pour l'ensemble de l'économie du continent et au-delà. L'exemple du crash bancaire de 2008 n'incite guère à faire confiance aux dirigeants du système. Fin de l'euro, fin de l'Europe, repli national, toutes les peurs qui ont traversé depuis des mois les scrutins européens se retrouvent mêlées dans une même incertitude au moment précis où le terrorisme sème la mort d'un côté et de l'autre de nos frontières."

Jean-Marc Chevauché dans Le Courrier picard
"Bruxelles dit à Tsipras qu'il faut baisser les retraites déjà ridicules et augmenter la TVA qui touche tous les consommateurs grecs. Donc Bruxelles veut gouverner à la place des Grecs. Et pour cette ingérence insupportable dans les affaires nationales, une seule solution s'impose : la démocratie. Tsipras en appelle au peuple, mais le problème que révèle cette crise, qui est plus qu'une crise européenne mais avant tout une crise du système, c'est que l'Europe est encore toute à faire. Ou l'idéal européen à abandonner. Si une même politique, consentie démocratiquement par une majorité de citoyens européens, s'appliquait d'un bout à l'autre du continent, il n'y aurait pas de crise. En voulant garder l'illusion d'un pouvoir national, les États ont contribué à saborder l'Europe."

Bernard Stéphan dans La Montagne Centre-France
"N'est-il pas temps pour l'Europe de sauver la petite Grèce ? En procédant à ce qui a toujours été fait au cours de l'histoire : a minima une réduction de la dette. Imaginer un plan Marshall comme jadis un tel plan a aidé l'Europe et en particulier l'Allemagne exsangue. Cette Europe promettait unité et prospérité. Elle a inventé l'euro, facteur de division et de gouvernance antidémocratique confiée aux seuls banquiers. Finalement, la vraie question à poser au peuple grec, c'est de savoir s'il veut ou non rester dans l'Union européenne. Mais attention à l'effet domino. Après la crise grecque, l'Europe devra se réformer, sans quoi d'autres peuples suivront le même chemin. Et ce serait le spectre de la fin de l'Europe de Jean Monnet."


Horizon


Rédigé par psa le 29/06/2015 à 03:33
Tags : Démocratie Europe Grexit Notez



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