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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Malgré ses déboires et recommencements, « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». De la même manière et avec autant de conviction, il faut imaginer heureuse et décidée l’opposition togolaise dans son rôle obstiné et noble de faire éclore, enfin, la démocratie au Togo. Face à un pouvoir récalcitrant qui s’est juré de ne jamais faire les réformes prescrites depuis 2006 sans s’être octroyé gratuitement deux mandats présidentiels, ou encore refuser de donner libre accès au fichier électoral comme le prescrit le Code électoral de 2009, l’opposition togolaise n’est pas pour autant desservie : elle demeure du bon côté de l’histoire, quitte à resserrer et solidifier ses propres rangs pour ceux et celles qui y croient toujours. Plus que jamais, le Togo a besoin de toutes nos faveurs pour mettre fin à l’inacceptable qui y persiste et pénalise tous les citoyens ainsi que l’ensemble des partenaires.


Le Togo sera démocratique ou ne sera pas
C’est à croire qu’au Togo, l’on n’a que la querelle facile, constante, et que l’opposition togolaise en est le parfait tremplin pour embrasser l’absurde. Pour un oui et pour un non, y compris pour rien ou pour tout ce qu’il y a de saugrenu, toute une opposition est capable de se déchirer, se piéger, se théâtraliser, en oubliant la noblesse même de sa mission, particulièrement dans le contexte togolais et à la veille du plus grand rendez-vous électoral dans un régime présidentiel.

Le débat bat son plein: l’opposition togolaise doit-elle participer aux prochaines élections présidentielles toujours programmées frauduleuses, après avoir formellement essuyé, une fois encore, le refus du pouvoir togolais d’opérer les réformes constitutionnelles et institutionnelles? La réponse à une telle question aurait coulé de source dans tout autre contexte. Un Non retentissant! Au Togo, malheureusement, les choses ne sont pas si simples, et la logique politique prend naissance seulement au bout de l’absurdité digne du bonheur caché de Sisyphe lui-même. Et des éléments fondamentaux sont à rappeler comme hypothèses à la logique décisionnelle qui prévaut au Togo.

N’oublions pas. L’alternance est devenue une nécessité démocratique urgente au Togo, après une cinquantaine d’années d’un système inqualifiable qui se poursuit et se reproduit, dorénavant, à travers la présidence d’un Faure Gnassingbé incapable de tenir parole et de réconcilier les Togolais comme lui-même l’avait promis en 2005 lors de sa captation du pouvoir. Il se trouve qu’aucune de toutes les élections présidentielles du dernier quart de siècle ne répond aux règles minimales de transparence; les présidentielles, à venir dans les semaines prochaines, ne seront pas plus transparentes. Et, ce ne sera pas faute d’en avoir demandé la crédibilité et l’étanchéité. Bien au contraire, toutes les demandes et les approches ont été faites : administration de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), application des reformes prescrites par l’Accord politique globale (APG) de 2006, exercice du libre « droit d’accès au fichier » de la liste électorale comme le prévoit le Code électoral depuis 2009, etc. Une fois encore et malheureusement, aucune volonté politique n’est à espérer du pouvoir présidentiel togolais malgré toutes les sollicitations, de l’intérieur et de l’extérieur du pays, après toutes les concessions politiques accordées au régime en place à travers maints dialogues politiques.

À chaque bataille, une conviction et une profondeur sans faille
Devant une si « mauvaise réputation » du camp présidentiel, réputation bien établie au Togo, dans toutes les chancelleries et dans les cercles diplomatiques, le raffermissement d’une unité d’action aurait été l’idéal du côté des partis politiques de l’opposition pour faire face, efficacement, à un tel refus de démocratie. L’objectif de l’unité d’action au sein de l’opposition n’est pas nouveau au Togo. Mais une fois encore, tous les prétextes ainsi que les tentations diverses, généralement caractérielles et bassement opportunistes, viennent à bout de cette stratégie commune; les ambitions individuelles surpassant toujours le devoir collectif de l’alternance démocratique.

Pour autant, en dehors de sa capacité à confisquer le pouvoir de manière récurrente et brutale, le régime présidentiel togolais n’est pas assez fort ni populaire à travers le pays pour pouvoir gagner des élections et en apporter la preuve, publiquement, comme il se doit. Le mythe totalement farfelu que l’opposition ne serait populaire que dans la capitale et que dans la campagne togolaise, le bon peuple serait tellement ignorant et inculte pour ne pas vouloir de l’alternance démocratique ne résiste à aucune preuve scientifique sur la volonté intrinsèque des humains à s’affranchir des régimes répressifs et autoritaires, comme celui qui sévit encore au Togo sous des dehors innocents. C’est d’ailleurs pourquoi le devoir d’une action collective de l’opposition est surtout utile dans la phase postélectorale d’une revendication commune de la victoire toujours volée aux populations du Togo.

« Pas de réformes, pas d’élection » aurait pu être un slogan de combat ou une approche résolue, à un moment donné, si seulement nous n’étions pas en lutte contre un pouvoir jusqu’auboutiste comme celui du Togo qui a toujours pris avantage de toutes les occasions de boycott, au point d’en faire une stratégie politique en y poussant ses adversaires à chaque occasion électorale. En effet, toutes les formes d’actions politiques ainsi que les attentes légitimes, réformes ou élections locales par exemple, ont toujours été remises à un éternel demain afin de susciter assez de mécontentement qui provoquerait des boycotts de l’opposition, la bisbille en prime dans ses rangs.

Sauf que le slogan précédent n’a jamais existé, officiellement, et ne pourrait donc pas être attribué à un quelconque parti politique au Togo. Aujourd’hui toutefois, cette approche revendicatrice pourrait bien se convertir en « Pas d’accès à la liste électorale, pas d’élection » qu’elle ne traduirait que la vigueur et la détermination, au fur et à mesure du déploiement d’une stratégie nullement statique, et devant les tenants d’un pouvoir quinquagénaire qui ont d’ailleurs perdu toute raison ou même la simple mesure de la volonté de changement politique au Togo. Tout, absolument tout participe parfaitement d’une stratégie évolutive bien adaptée au terrain politique togolais. Chaque bataille de l’opposition togolaise doit se faire avec la même profondeur et conviction : autant l’adversaire récalcitrant a besoin de tous nos griefs, autant le Togo a besoin de toutes nos faveurs. Il ne faut donc pas se tromper de cible, d’autant plus que le combat pour l’alternance pacifique et démocratique est loin de son terme.

Apprendre du boycott: si élection, alors participation et revendication
En requérant la présence de tout un chacun, il est primordial que chaque entité reconnaisse sa force et ses faiblesses et apporte à cette lutte démocratique les moyens à la hauteur de ses capacités et de sa place, aussi bien verticalement qu’horizontalement. Aucun parti politique ne peut se substituer à un autre et ainsi, refuser de s’en tenir à sa place, à son poids et à son rôle dans une stratégie globale; également, aucune organisation de la société civile, y compris dans la diaspora togolaise, ne saurait se substituer valablement aux partis politiques eux-mêmes. En toute circonstance, les attributions et les contributions sont réellement complémentaires. Il n’y a donc pas de stratégie gagnante sans le partage des rôles entre tous les acteurs convaincus du devoir d’alternance au Togo, et tous appelés au devoir répétitif d’un Sisyphe désormais rompu à sa tâche.

Le supplice apparent du combat démocratique au Togo n’en enlève nullement le plaisir et la détermination que cette lutte commande, à chaque place et à chaque moment de son déroulement. Cinquante ans d’un même système valent bien le sacrifice des egos, l’économie des communiqués et des conférences de presse, pour bien comprendre que tout est dans la lutte sans cesse renouvelée, et rien dans le boycott, l’abandon, le confinement, le renoncement, la renonciation ou la démission.

Avec ses erreurs et ses réussites, avec ses hiérarchies et ses responsabilités, la politique demeure un art autant qu’une science qui demande aussi bien une grande rigueur que de cette permanente et salutaire flexibilité. L’opposition togolaise est clairement dans un tel processus, continu, parfois même itératif et hostile. Chaque étape de ce processus possède néanmoins toute son importance : les élections présidentielles proprement dites autant que les revendications qui en suivront nourrissent parfaitement la même volonté inébranlable d’atteindre des résultats communs annonciateurs d’une transition réparatrice de la grande somnolence et des dégâts actuels.

Ce ne sont pas aux Togolaises et aux Togolais qu’il faudra encore apprendre le coût d’un quelconque boycott électoral : la perte de la Constitution de 1992 alors adoptée quasi-unanimement par le peuple togolais, dans un référendum unique et consensuel, constitue déjà le prix historique d’un malveillant boycott électoral intervenu par la suite et face au même régime. Jusqu’à aujourd’hui, une telle erreur politique commise par l’opposition et dont certains instigateurs, impassibles et flegmatiques prônent tout de même un nouveau boycott, n’a jamais pu être réparée; les conséquences du boycott fatal à la Constitution de 1992 perdurent et pervertissent encore l’avancée démocratique face à un pouvoir présidentiel toujours insatiable. Il est temps de nous instruire des boycotts politiques au Togo.

Alors, qu’il soit bien entendu que la lourdeur de notre combat ne nous en enlève pas le bonheur de le poursuivre et de toujours le parfaire, à la suite de bien d’autres et aux côtés des gens qui ne confondent pas leurs compagnons de route aux récalcitrants fossoyeurs en face, bien campés sur leur position et ne faisant jamais de concession politique. En cette année 2015, le Togo sera démocratique ou ne sera pas! Faudra-t-il rappeler que pour parachever cet âpre combat qui n’en finit pas de finir, chacun à sa place et dans son rôle, locomotive de tête ou indispensables wagons, « si l’on est plus que mille, eh bien » soyons tous de ceux-là, tenaces et objectifs, pour parapher en notre sein un véritable « Traité sur la Tolérance », et avec le peuple togolais une authentique « Magna Carta » pour faire naître une démocratie moderne porteuse de réconciliation et de développement.


Horizon


Rédigé par PSA le 08/02/2015 à 07:00



L’essentiel est fait du coté du Burkina Faso et le constat est sans équivoque : la Liberté ne fatigue pas les Peuples.


Smokey, un acteur du changement au Faso
Smokey, un acteur du changement au Faso

La démocratie doit évoluer en Afrique. Et les pays francophones, longtemps dans une traînée complaisante ainsi que certains autres États apparentés, n’échappent plus à cette nécessité démocratique ou à son renforcement.

Bénin [sic], Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo (Brazzaville), Congo (Kinshasa), Gabon, Guinée équatoriale, Rwanda, Tchad, Togo particulièrement, sont autant de cas où les Peuples ont soif de changements profonds, soif de ces changements réparateurs du passé et surtout libérateurs d’un enthousiasme et d’une effervescence utiles à un avenir autre et partagé.

Il est vrai que la situation est variable selon chacun des pays. Mais une seule constante demeure comme objectif et destinée de tous ces Peuples : la démocratie inspirée et générée par les Peuples eux-mêmes, la démocratie et son corolaire… l’alternance.

Ainsi, il est illusoire pour tous ces dirigeants de prétendre à la démocratie, y aspirer sincèrement, sans envisager l’alternance et les avantages multiples inclus dans le renouvellement des personnes, des idées et des systèmes. Il est illusoire pour tous ces dirigeants africains de n’envisager la démocratie qu’à travers l’opportunisme de leurs seuls intérêts, leurs seules perspectives et leurs seules interprétations.

Il est alors illusoire pour tous ces chefs d’État africains de n’envisager l’alternance qu’à travers leur convenance personnelle ou leur mode de dévolution du pouvoir, sans en mesurer les conséquences même après leur départ, et jusque sur leurs familles. Dans toutes ces situations imparfaites qui jonchent l’Afrique politique, mieux vaut négocier, de bonne foi, son départ du pouvoir que de penser s’y éterniser, sans risque pour soi-même, pour sa famille, pour ses obligés et courtisans.

La précarité d’une telle option de confiscation du pouvoir au détriment de la volonté de son Peuple n’a d’égal que la fragilité des avantages que l’on peut en tirer, en jouir ou en accumuler pour les siens. Le déshonneur générationnel qui suivra la restitution forcée de tous ces biens mal acquis ne vaut plus, de nos jours, le pari hasardeux de miser sur une improbable impunité... À moins d’une sage et prévoyante négociation de son départ du pouvoir comme l’histoire en regorge, en contrepartie de certaines concessions, apaisantes et réparatrices.

En Afrique, il est des crises que des dirigeants et chefs d’État peuvent bien épargner à leur Peuple, dans l’état actuel du monde, pour leur salut propre comme celui de leurs concitoyens de plus en plus exigeants, et de bon droit.

Désormais, rien et absolument rien ne vaut l’expérience démocratique de chaque Peuple; ses propres errements ou ses propres réussites démocratiques. Même en démocratie, l’on n’apprend mieux que par soi-même, et en utilisant tous les filets de sécurité et d’expérience développés par tant de pays à travers le monde.

L’unité de mesure, le référentiel de cet ensemble de besoins inaliénables de changements demeure encore et toujours le devoir républicain de l’exercice de deux mandats présidentiels, au maximum, au grand maximum, quelles que soient les circonstances, les modalités et les formes. La limitation des mandats présidentiels est véritablement vectrice d’indispensables changements; le moteur des changements pour la démocratie, la justice, le pardon, la réconciliation, le développement et pour la modernité républicaine.

Deux mandats présidentiels de durée raisonnable, chacun, est désormais l’indication et l’incarnation d’une prédisposition à l’alternance démocratique : c’est la norme de la légitimité coutumière en politique. Une légitimité qui est au-dessus de la légalité; une légitimité qui vaut son pesant d’or et d’honneur, une légitimité qui vaut bien son pesant de tradition noble à haute valeur constitutionnelle. De tout temps d’ailleurs, l’éthique est restée au-dessus des lois, bien au-delà et en amont de toutes les lois et de toutes les Constitutions, écrites ou non écrites.

Nul citoyen n’est aussi indispensable pour sevrer son Peuple du modèle et de l’exemple unique que constitue l’alternance démocratique ou sa consolidation constante. Jamais, nous ne cesserons de le dire : la Liberté ne fatigue pas les Peuples, et aucune république ne peut être délibérément et durablement mise hors de portée de ses propres citoyens. Quand vient l’heure, advient que pourra!

La règle est donc simple et claire : deux mandats et on s’en va… tranquille. La suite des choses se suffit à elle-même en démocratie, et par la volonté non confisquée de ces Peuples africains libres de leurs choix et conséquences, responsables mêmes des incertitudes qui se rattachent à leur choix, et par lesquelles les citoyens grandiront sans aucun doute. C’est bien cela la démocratie ainsi que sa nature propre et inviolable : le respect de la Liberté du choix des Peuples. Quel que soit ce choix, pourvu qu’il soit librement exprimé.

À qui le tour maintenant? À qui le tour en départ démocratique ou despotique? Positivement ou négativement, à vous le choix d’une odyssée glorieuse, une épopée historique ou le choix d’un naufrage lamentable, une ovation de boue, une sortie par la petite porte, une randonnée par la brousse, une fuite par les pistes cahoteuses, une conclusion fatale.

Faut que ça change et ça doit changer, ici et maintenant, là, demain, urgemment et nécessairement au rythme de notre époque, à la hauteur de notre désir inlassable du mieux démocratique. Fini les entourloupettes politiques et autres drôleries électorales. Fini!

Faut que ça change un Peuple à la fois, un pays à la fois, une nation à la fois, une république à la fois, une dignité à la fois.

Qui le prochain? Who next? ¿Quién sigue?


Horizon


Rédigé par PSA le 04/11/2014 à 00:18



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