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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Oslo fait le pari de l’universalisme des libertés et des droits comme cadre indispensable à la globalisation marchande. C’est un pari raisonnable et éthique. Vingt ans après le Dalaï-lama, une autre figure marquante va déranger la puissante Chine qui semble trop souvent oublier ses autres responsabilités dans la civilisation de l’universelle.


Beini Xu
Beini Xu

En décernant son Prix de la paix à un citoyen chinois, Liu Xiaobo, un dissident de longue date, le comité Nobel vient d’infliger un sérieux camouflet à Pékin. Alors que ce pays s’impose comme l’une des grandes puissances de ce XXIe siècle, les sages d’Oslo ont voulu transmettre ce message: «la puissance impose des responsabilités». Ces responsabilités sont d’ordre économique, mais aussi politique. Si la Chine a réussi sa mue capitaliste, il lui reste à prendre le virage de la démocratie sans quoi son ascension ne pourra être considérée comme un gage pour la paix mondiale.

Ce choix est courageux, car il est certain de provoquer les foudres de Pékin. De plus en plus soucieux de son image internationale, le régime chinois sait trop quels dégâts peuvent provoquer les opposants auréolés d’une pareille notoriété. La dernière fois, c’était avec le dalaï-lama, au lendemain des massacres de la place Tiananmen, en 1989. L’adoubement du Nobel avait offert une visibilité sans précédent au leader spirituel tibétain. Pékin a trop étudié les scénarios de chute des régimes communistes pour ignorer que le Nobel décerné à Lech Walesa, leader du syndicat Solidarnosc, a représenté un signal fort pour les démocrates polonais et de toute l’Europe de l’Est.

Ce choix est bienvenu pour l’ensemble des Chinois qui se battent, chez eux ou en exil, pour réformer leur pays avec les seules armes du droit et des principes. Ils sont nombreux ceux qui veulent mettre un terme à l’autoritarisme au nom des libertés. Mais ils sont encore plus nombreux ceux qui ignorent ces combattants – Liu Xiaobo est un inconnu en Chine – du fait du mur de la propagande ou de la prison. Aujourd’hui, la «Charte 08» appelant à la démocratie – pour laquelle Liu Xiaobo a été condamné à 11 ans de prison – ne peut plus être ignorée.

Mais c’est aussi un choix risqué. Il pourrait tout aussi bien braquer un peu plus les élites chinoises acquises au Parti communiste dans leur repli nationaliste. Si le pouvoir ne conteste plus le caractère universel des droits de l’homme, il tente de les relativiser, de les contourner, au nom de «valeurs chinoises traditionnelles». Ce Nobel pourrait marquer un tournant dans le choc des valeurs.
Avec ce prix, Oslo fait le pari de l’universalisme des libertés et des droits comme cadre indispensable à la globalisation marchande. C’est un pari raisonnable.////////Frédéric Koller





Silence


Rédigé par psa le 09/10/2010 à 02:39



Traités de menteur un jour, ils peuvent être reconnus comme gardiens de la vérité historique le lendemain. C’est l’ironique sort des rapporteurs spéciaux de l’ONU. Ces enquêteurs bénévoles et farouchement jaloux de leur indépendance –plus que jamais menacée aujour¬d’hui– ont traversé depuis des décennies la Commission, puis le Conseil des droits de l’homme (CDH), dénonçant sans relâche les violations des libertés dans le monde. Durant trente-quatre ans, Louis Joinet a défendu bec et ongles l’indépendance des rapporteurs spéciaux de l’ONU. Invité à Genève à la veille de la 15e session du Conseil des droits de l’homme, il livre son expérience.


Gilles Rousset
Gilles Rousset


Le magistrat français Louis Joinet a longtemps été le doyen de ces experts. En trente-quatre années, dans les bras de fer autour des droits de l’homme, il est resté comme un roc, n’écoutant que son intime conviction même si les puissants essayaient de le faire fléchir. Il a parcouru 174 lieux de détention, faisant face à des situations terribles. Et il a témoigné de ce qu’il a vu contre vents et marées. Il a aussi été l’un des artisans de la Convention contre les disparitions forcées. Retiré depuis 2008, il n’hésite pourtant jamais à partager ses inépuisables récits, cela afin de préserver l’intégrité de ces enquêteurs, parmi les agents les plus crédibles du système onusien. A la veille de la 15e session du CDH, il était à Genève dans le cadre d’un séminaire sur le droit humanitaire organisé par l’association Genève pour les droits de l’homme.

Notre présence aide les gens à tenir le coup
Une extrême douceur combinée à l’œil rieur, Louis Joinet est capable d’entraîner ses interlocuteurs dans les plus sinistres geôles du monde et de leur fait vivre l’intense espoir du détenu lors de la visite d’un rapporteur spécial. «Le pire, c’est celui qui est au fond d’un cachot et qui ignore qu’on le sait. Notre présence aide les gens à tenir le coup, cela peut aussi parfois permettre d’obtenir un procès équitable

Sa délégation a été la seule de l’histoire de l’ONU à avoir pénétré dans les geôles iraniennes. C’est d’ailleurs lors de cette visite, en 2003, qu’a été découverte la sinistre section secrète 209 à la prison d’Évin, près de Téhéran.

«On reproche à certains rapporteurs d’être partiaux, d’abuser de leur position. On ne se pose pas la question pour les États», poursuit-il. Et de revenir sur un épisode survenu lors d’une session du Conseil en mars 2007: «Un ambassadeur accusait les experts de l’ONU de mentir. Le délégué argentin est alors intervenu: du temps de la dictature argentine, a-t-il dit, dans cette même salle, l’ambassadeur argentin a publiquement traité Louis Joinet de menteur. Quatre ans après, celui-ci était cité comme témoin dans le procès des tortionnaires à Buenos Aires. Ces derniers ont été condamnés. Qui était le menteur alors, le pays ou le rapporteur

Très inquiet de l’offensive de certains pays du Sud pour imposer un code de conduite restrictif aux enquêteurs de l’ONU, Louis Joinet relève toutefois une certaine ambiguïté des pays riches.
«Quand je présidais le groupe sur la détention arbitraire, nous étions très critiqués par les pays du Sud et plutôt appuyés par ceux «du Nord», selon la terminologie de l’époque, raconte-t-il. Or il y a sept ans, nous avons obtenu que notre mandat soit étendu non seulement à la détention des prisonniers politiques, mais aussi à la rétention des étrangers en voie d’expulsion. Depuis, nous avons aussi enquêté dans les pays occidentaux et, du coup, le soutien que nous avions de ces pays est devenu moins ferme

«Le problème, c’est que celui qui se dit «démocratique» un jour ne l’est pas forcément le lendemain et vice versa. Moi qui appartiens à la génération de la guerre d’Algérie, quand j’entends dire que la France est la patrie des droits de l’homme, j’éprouve plus que de la gêne.»//////////Carole Vann


Silence


Rédigé par psa le 13/09/2010 à 02:02



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