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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Nommé numéro deux du gouvernement espagnol pour aider le premier ministre à sortir de la spirale négative des mauvaises nouvelles, Alfredo Pérez Rubalcaba est aussi redouté qu’admiré. C’est le nouvel homme fort de Madrid : le va-tout de José Luis Zapatero, le vrai magicien dont il faut retenir le nom.


Alfredo Pérez Rubalcaba
Alfredo Pérez Rubalcaba

«On peut parfaitement sauver deux balles de match et gagner finalement la partie.» Telle fut la réponse d’Alfredo Pérez Rubalcaba, lundi, lorsqu’on l’interrogeait sur les chances du gouvernement Zapatero de rattraper son retard sur la droite d’ici aux législatives générales de 2012. Ce qui dénote chez ce passionné de sport, ancien champion universitaire du 100 mètres, la ferme volonté de remonter la pente et de réconcilier le pouvoir socialiste avec l’opinion, en dépit d’une crise de confiance qui ne cesse d’empirer. Plus encore que l’atout maître de Zapatero, Rubalcaba, 59 ans, est son va-tout, celui qui est appelé à «sauver» un deuxième mandat catastrophique au cours duquel les socialistes ont dû imposer une cure d’austérité très impopulaire, et se sont aliénés aussi bien les syndicats que les partis de gauche. A l’issue du remaniement ministériel orchestré la semaine dernière, Alfredo Pérez Rubalcaba cumule désormais trois casquettes: ministre de l’Intérieur, sa fonction depuis 2008, «numéro 2» et porte-parole de l’exécutif. Autrement dit, le nouvel homme fort du gouvernement espagnol. Il a d’ailleurs commencé tambour battant, présent sur tous les fronts: depuis lundi, son hyperactivité l’a conduit à s’exprimer sur les dossiers brûlants, le ralentissement économique, la réforme du marché du travail, les «nécessaires économies d’énergie», l’immigration («l’Europe ne peut s’ériger en forteresse»), ou encore la lutte contre l’échec scolaire.

Voyant sombrer Zapatero, au plus bas dans les sondages, la droite se frottait les mains… jusqu’à l’irruption au sommet de Rubalcaba, personnalité aussi redoutée qu’admirée. Avec lui, craignent les dirigeants du Parti populaire (PP), il n’est pas impossible que les socialistes se refassent une santé. «L’ascension météorique de Rubalcaba», titrait lundi dans un éditorial El Mundo, qui ne porte pourtant pas le personnage dans son cœur. D’après ce journal, 53% des électeurs socialistes souhaitent qu’il succède à Zapatero en 2012, contre seulement 19% l’an dernier. L’expression plutôt terne, le crâne dégarni, une allure de technocrate, l’intéressé brille moins par son physique que par ses qualités intellectuelles. Chimiste de formation, issu de Cantabrie (nord de l’Espagne), cet homme marié s’est sorti avec brio de toutes les missions que lui a confiées José Luis Zapatero depuis son arrivée au pouvoir en 2004. Rubalcaba fut tour à tour désigné comme interlocuteur avec le PP pour réformer la justice, négociateur de l’ombre avec ETA pour obtenir un cessez-le-feu (qui fut dynamité par les terroristes basques fin 2006), ou en tant que porte-parole parlementaire. Il s’est bâti une réputation de moine soldat de la politique (à pied d’œuvre entre 8h et 22h, avec une courte pause déjeuner), qui n’accorde que très peu de temps à ses hobbys: les rencontres du Real Madrid, dont il est un fervent supporter, les retransmissions télévisées d’athlétisme et la lecture de romans policiers.

Discret, rusé et méticuleux, Alfredo Pérez Rubalcaba est un survivant de la politique. Entré au Parti socialiste en 1974, il s’est rendu indispensable dans plusieurs gouvernements, notamment celui de Felipe Gonzalez entre 1993 et 1996. A cette époque, le scandale des GAL (des groupes antiterroristes à la solde de l’État qui éliminèrent des indépendantistes basques) fait «tomber» nombre de dirigeants socialistes. Mais lui sait se protéger. «Il a un grand talent de stratège, un don pour l’intrigue et il excelle dans l’art du complot», le dépeint férocement Pedro Ramirez, directeur d’El Mundo. Dans la presse conservatrice, on l’a surnommé le «Fouché de Zapatero», en référence à l’implacable ministre de la Police de Napoléon. Au sommet de sa gloire, on disait de ce «superflic» qu’il avait davantage de pouvoir que Napoléon lui-même. Il se dit aujourd’hui la même chose de celui qui cumule les fonctions de ministre de l’Intérieur, de «numéro 2» et de porte-parole du gouvernement. L’habile Rubalcaba se dit être «un simple lieutenant, au service du chef». Reste que ce brillant tacticien affronte un avenir orageux: les socialistes sont donnés grands perdants pour les législatives de Catalogne, fin novembre, et pour les élections locales de mai 2011. Quant aux experts du FMI, ils prédisent une aggravation du chômage (actuellement à 20%) et une récupération plus lente que dans le reste de l’Union européenne. Va-tout de Zapatero, Rubalcaba devra convaincre si, comme on le chuchote en coulisses, il souhaite être le candidat socialiste en 2012. //// François Musseau


Silence


Rédigé par psa le 27/10/2010 à 01:11
Tags : Espagne Rubalcaba Zapatero Notez



Après l’affaire de corruption révélée par le «Sunday Times», l’instance dirigeante du football doit réagir prestement. Sa commission d’éthique se réunit aujourd’hui même à Zurich et décidera du sort des accusés. La corruption dans le football, aux yeux des experts ès sciences humaines, c’est comme le trou dans la couche d’ozone ou la tartine qui tombe côté confiture: une fatalité. Faut-il, dès lors, jouer les vierges effarouchées lorsque deux hauts fonctionnaires tombent dans un piège tendu par le Sunday Times? Oui, parce que c’est mal. Non, parce qu’on ne peut pas demander l’impossible à une tartine de confiture; non, parce qu’à la lumière d’un certain passé, le fait que deux membres du comité exécutif de la Fédération internationale de football association (FIFA) acceptent de monnayer leur voix dans le processus d’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 ne relève pas de l’extraordinaire.


Feu à la FIFA

Jusqu’au pavé lancé dans la mare dimanche par l’hebdomadaire britannique, le Tahitien Reynald Temarii et le Nigérian Amos Adamu incarnaient l’universalité du football, une notion que l’instance faîtière aime à vanter. Depuis, ils se sont mués en moutons noirs dans un ciel chargé. Ce mercredi matin, dès 10 heures au siège zurichois de la FIFA, ils devront s’expliquer devant la commission d’éthique de l’organe, dirigée par l’ancien attaquant des Grasshoppers Claudio Sulser, avocat. Dimanche déjà, via une lettre postée sur fifa.org, le président Sepp Blatter informait son état-major d’une «situation très délicate», tout en invitant son monde à tenir sa langue.

Une enquête est en cours, dont les premiers éléments seront dévoilés mercredi en fin de journée lors d’une conférence de presse. «Pour faire la lumière sur cette affaire, on fait appel à l’organe le plus pointu et le plus indépendant qu’on puisse imaginer: la FIFA elle-même», a ironisé la Süddeutsche Zeitung.

C’est-à-dire qu’il faut sauver les apparences, et vite, puisque l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022 doit intervenir le 2 décembre prochain. L’Angleterre, la Russie, l’Espagne en compagnie du Portugal et les Pays-Bas avec la Belgique concourent pour la première; le Qatar, l’Australie, les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud rivalisent pour la seconde. Il reviendra aux membres du comité exécutif de trancher – d’où la valeur de leur avis et l’intérêt qu’il peut y avoir à l’influencer. Or, sur les vingt-quatre noms à convaincre, outre ceux de Reynald Temarii et Amos Adamu désormais, sept ont déjà été soupçonnés, au moins, d’agissements contraires à la morale: Issa Hayatou (Cameroun), Chung Mong-jun (Corée du Sud), Jack Warner (Trinidad et Tobago), Ricardo Teixeira (Brésil), Chuck Blazer (États-Unis), Nicolas Leoz (Paraguay) et Julio Grondona (Argentine).

La corruption dans les hautes sphères du ballon, une fatalité? A en croire certaines publications, oui. David Yallop fut le premier grand dénonciateur, en 1999, avec How they stole the game (littéralement: «Comment ils ont volé le match»). L’enquêteur anglais, spécialiste du crime irrésolu, avait vu la version allemande de son livre interdite en Suisse. Et pour cause: l’accession de Sepp Blatter à la présidence de la FIFA y était dépeinte sous un jour douteux.

Lennart Johansson, ancien président de l’UEFA et éternel rival du Haut-Valaisan, s’exprimait ainsi pendant sa campagne: «Je ne sais pas et je ne vais pas spéculer. J’ai entendu beaucoup de choses au fil des ans, beaucoup d’allégations à propos de Havelange [président brésilien de la FIFA entre 1974 et 1998] et Blatter. Pour ma part, je ne vais pas me battre dans cette élection avec leur éthique. Si le prix à payer pour gagner, c’est que je doive me comporter comme eux, alors je m’abstiendrai.» Après le scrutin, le Suédois lâchait: «J’ai perdu 30 voix pendant la nuit. Il a dû se passer quelque chose.»

Après coup, Farah Ado, président de la Fédération somalienne, admettait avoir vendu sa voix pour 100 000 dollars. Sepp Blatter, lui, a toujours nié tout recours aux pots-de-vin. Et les enveloppes pleines de cash qui ont circulé dans les couloirs de l’hôtel Méridien à Paris, dans la nuit du 7 au 8 juin 1998? La FIFA n’en niera pas l’existence. À l’époque, elle explique qu’il s’agissait d’une avance sur les subsides que l’instance verse chaque année aux fédérations les moins nanties.

Plusieurs autres épisodes alimenteront la rumeur selon laquelle tout peut s’acheter ou se vendre. L’un d’eux est resté célèbre. Lors du vote d’attribution du Mondial 2006, le Néo-Zélandais Charles Dempsey, dont la voix était manifestement promise à l’Afrique du Sud, s’était abstenu au dernier moment, faisant pencher la balance en faveur de l’Allemagne. L’ancien président de la Confédération océanienne s’était par la suite plaint de «pressions intolérables de la part de groupes d’intérêts européens très influents».

Bref, la FIFA, une «société à but non lucratif» rappelons-le, est rompue à ce genre de contrariétés. Elle a, pour l’instant, maintenu le vote au 2 décembre prochain, confiante dans sa capacité à éteindre le feu dans les plus brefs délais. Ensuite, pour Sepp Blatter, il sera grand temps de se consacrer pleinement à sa réélection en 2011. «Je n’ai pas terminé ma mission et si le congrès en décide ainsi, je serai à disposition pour continuer», répète le Haut-Valaisan de 74 ans. Ce jour-là, il y aura 208 voix à conquérir – celles des 208 présidents de Fédérations nationales.//////// Simon Meier



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